L'explosion du silure à Vouglans : une réalité.
Suite aux très intéressants arguments de Ludo71 sur la répartition des espèces piscicoles dans le précédent article, j'invite chaque lecteur ou lectrice à donner son point de vue concernant la présence du silure dans nos eaux, en prenant le temps de mesurer et d'assumer ses propos.
N'étant pas du tout spécialiste de cette espèce, je me garderai bien d'avancer des pseudos analyses scientifques et me contenterai d'ouvrir le débat. J'ai simplement constaté, comme beaucoup d'amis pêcheurs qui connaissent aussi très bien Vouglans, un boom de cette espèce sur cette retenue depuis plusieurs années (mon premier silure sur ce lac date d'il y a 15 ans , il faisait 52 cm... ) .Depuis, les prises se sont faites de plus en plus fréquentes même en pêchant le sandre aux leurres. Un copain guide de pêche sur Vouglans et la région a repéré l'année dernière sur l'aval de la retenue ( mais le haut n'échappe pas à la règle) , des myriades de petits spécimens de silures en surface qui se faisaient dorer la pilule, quand l'eau se réchauffe.
Toujours l'année dernière, alors que je pêchais le sandre, Stéphane et Bernard m'ont fait voir ce qui se passait sous le bateau en clonkant : résultat, 5 ou 6 silures montaient à chaque fois très vite et nous étions pourtant au mois de décembre ... Ils ont même capturé 7 ou 8 spécimens en un après-midi près de la plage du Pont de la Pyle, poste apparemment réputé pour les silures. Ces réalités nous permettent d'affirmer la désormais forte densité de silures sur ce lac.
Comment réagissent les autres espèces face à ce développement bien réel?
Pour le cas de Vouglans, la population d’écrevisses avec le boom des silures ( et des sandres ) a fortement diminué. Sur des secteurs de 100 mètres, où l'on voyait 200 écrevisses, il n’y en a plus que 5 …
Qu'en est-il des populations de gardons également ?
Serait-il sot d’aleviner en poisson fourrage pour anticiper d'éventuels manques de baitfish ? … L’année dernière ( fin du printemps 2012) , nous avons vu des populations d’ablettes affolantes, chose qui n’était pas arrivée depuis longtemps de manière si marquée, et il y a même eu plusieurs fraies dans la saison. Par contre, des wagons de petits silures ont eu aussi été apperçus, comme jamais encore dans ces proportions… Donc finalement l’équilibre reste fragile.
Source Wikipédia :
La reproduction du silure s'effectue de mi-mai à la mi-juin. La température de l'eau influe directement sur la date du frai. La ponte a lieu le soir ou à l'aube dans une température de 18 à 21 °C. Le silure fraye en couple, les œufs sont déposés dans un nid préparé à l'avance, le mâle défendra farouchement le nid durant l'incubation contre tout intrus. Le nombre d'œufs est fonction du poids de la femelle, on compte de 20 000 à 26 000 œufs par kilogramme. Une femelle de cent kilogrammes peut pondre jusqu'à 2 600 000 œufs.
Le caractère eutrophe des eaux d'Europe occidentale et le taux de fécondité de ce poisson, en l'absence de prédateurs à la hauteur de sa taille, ainsi que l'augmentation des températures moyennes, pourraient expliquer l'augmentation spectaculaire de l'aire occupée par ce silure.
Les mâles arrivent à leur maturité sexuelle dans leur 3e ou 4e année. Les femelles sont plus tardives et ce n’est que vers leur 5e ou 6e année qu'elles arrivent à leur maturité sexuelle.
Source : Jérôme Jemain
« Le premier que j'ai vu a été sorti de l'eau à l'aide d'une gaffe. Le pêcheur m'a dit qu'il était nuisible, lui a ouvert le ventre et l'a laissé crever sur le talus… Après ça, j'ai voulu me renseigner. » Jérôme Jemain, ambulancier de profession à Aiguillon, est le premier représentant régional de l'association Silurus Glanis, créée il y a six ans au bord de la Saône afin de « démocratiser sa pêche, défendre le poisson et stopper les actes de barbarie dont il est victime… » N'étant pas classé nuisible, à la différence de son cousin le poisson-chat ou de la perche soleil, qu'il ne faut pas remettre à l'eau, laisser un silure sur la berge est passible de 3 000 euros d'amende, plus les frais d'équarrissage…
"Une vraie saloperie"
Pas plus autochtone que ne l'est le sandre, originaire lui aussi du Danube et décrié à son arrivée dans les eaux françaises, le silure est aujourd'hui partout chez lui.
En attendant, les pêcheurs qui ont connu les cours d'eau avant son arrivée n'apprécient pas vraiment ce nouveau venu. Les pêcheurs qui justement recherchent le sandre, séduisent parfois un silure qui a vite fait de casser leur ligne, trop fine. Et ceux qui optent pour un fil plus gros cassent parfois leurs cannes…
Beaucoup, en tout cas, se plaignent de ne plus prendre autant de brochets, sandres ou même gardons qu'auparavant et désignent le « glouton qui bouffe des kilos de poissons et même des pigeons » (ce qui peut en effet arriver, NDLR) de tous ces maux. Les défenseurs du silure, eux, rappellent que la quasi-disparition du brochet peut être liée à la disparition des prairies inondables, où il se reproduit, et que la pollution des eaux n'y est peut-être pas pour rien.
Plutôt que le combattre, comme ils sont encore nombreux à le faire, le jeune homme et les membres de l'association essayent de mieux le faire connaître et de sensibiliser les pêcheurs « qui mangent leurs prises et donc qui sont en compétition alimentaire avec lui. » Parmi ces derniers, beaucoup en effet désignent le moustachu comme responsable de tous leurs maux.
Pour autant, Jérôme Jemain se dit « pas extrémiste », comme peuvent l'être d'autres fans du silure. Qu'un pêcheur en consomme, « même s'il ne présente pas un grand intérêt culinaire », ne le choque pas. Mieux vaut ça que de l'accrocher à un arbre et de le laisser se décomposer…
Des fouilles stomacales ont permis de découvrir « des moules, des bouillettes pour pêcher la carpe, mais aussi du maïs, des brèmes, des restes de cormorans et de petits rongeurs… »
S'il peut attaquer brochets, sandres ou perches, les dégâts sur les populations de poissons dits « nobles » seraient limités selon l'association. Autant d'arguments pour développer sa pêche et pourquoi pas un jour l'autoriser de nuit, espère Jérôme Jemain.
Trois questions à Jean-Louis Molinié, président de la Fédération lot-et-garonnaise de pêche.
1 Le silure est là, c'est un fait. Faut-il le considérer comme une chance ou un problème ?
Nous essayons de nous adapter à la situation car le silure pose malgré tout des problèmes, comme toute espèce nouvelle qui s'adapte et étend son territoire. Aujourd'hui, il y a un déséquilibre, ils sont nombreux et progressent vite. À Golfech notamment, en aval du barrage, ils perturbent les populations de migrateurs. À côté de ça, il y a un aspect positif car il y a un engouement réel, mais limité, pour la pêche de ce poisson.
2 Quels sont les échos que vous renvoient vos adhérents ?
Certains, en petit nombre, sont totalement passionnés par la pêche de ce gros poisson qui, c'est certain, représente un très beaucoup de ligne. J'en ai pris un d'un mètre cet été au lancer dans la Garonne, c'est très agréable. Les marchands d'articles de pêche, eux aussi, y trouvent leur compte. Mais la grande majorité des pêcheurs estiment qu'il y a trop de silures et qu'ils n'attrapent plus autant de carnassiers « traditionnels », comme le brochet surtout, et même le sandre, qu'auparavant. Mais il est là, il faut donc faire avec.
3 L'image négative dont souffre majoritairement le silure est-elle justifiée ?
Comme tout nouveau poisson qui entre dans un milieu, il créé un déséquilibre. Dans l'est de la France, où il est présent depuis longtemps, un équilibre s'est créé. Demander le classement du silure comme espèce nuisible est un faux problème. Le poisson-chat l'est depuis longtemps mais reste impossible à éliminer. Concernant le silure, en plus, les plus gros sont les seuls prédateurs des moyens… Ce sont donc les plus gros qui permettent une régulation des populations. Le protéger, en revanche, personne ne le demande. Et pratiquer la pêche en no kill est la liberté de tout le monde.
En conclusion, ce sujet appelle un débat d'idées, toujours utile lorsqu'il est suivi d'actes.
La nature parviendra t-elle à se réguler d'elle même?
Toutes les espèces de carnassiers dont le brochet, vont-elle tirer leur épingle du jeu sans une régulation humaine des populations de silure?
A terme le silure sur Vouglans ne va t-il pas créer des gros déséquilibres irréversibles pour l’écosystème?
Quelle est la taille des plus gros spécimens sur ce plan d'eau?
Le silure : star ou fléau ?