Le no-kill, oui ! Mais...
Si la plupart des lecteurs de ce blog connaissent notre philosophie et nos prises de position par rapport à une hausse des mailles, une diminution des quotas, une date plus tardive pour l'ouverture du sandre et enfin, une mise en place de réserves temporaires et d'aménagements structurels du milieu, la question du NO-KILL ( catch and release ou graciation) est plus discutable.
En effet, un PNK ( parcours no-kill ) doit à mon sens être " tournant " après plusieurs années , au même titre qu'un tronçon de réserve sur une rivière à truite de première catégorie pour éviter principalement 1 impact négatif, peut-être 2, sur les populations piscicoles.
Tournant ne veut pas dire de le supprimer tous les ans ou de manière aléatoire. Cela signifie juste qu'il faut s'assurer que les populations de truites notamment, soient suffisamment denses pour justifier le déplacement de ce PNK ou de cette zone de réserve. Ce qui n'a pas été le cas et m'a fait bondir quand j'ai vu pour cette saison 2015, la suppression d'un grand tronçon PNK sur la haute rivière d'Ain malgré la création d'une autre petite partie de linéaire, jusque là inexistante. Les 2 parcours auraient mérité d'exister tant on peut voir des zones de frayères se développer sur ce type de secteurs "protégés". Les membres de l'AAPPMA concernée ont tout de suite pointé du doigt que rien ne justifiait de supprimer ce PNK au vu des populations à peine refaites, et loin d'être à un niveau suffisant pour assurer la pérennité garantie de l'espèce en grand nombre!
Encore une fois, sur quoi se basent les études réalisées essayant de nous convaincre du bien fondé de cette mesure, alors que tous les pêcheurs locaux qui connaissent parfaitement ce secteur, affirment le contraire et que c'est suicidaire sur du long terme. Le viandage en règle accélérant bien les choses.
La seconde idée, plus discutable, renvoie à la prédation des juvéniles par les spécimens qui viendraient ralentir leur développement, notamment lorsqu'ils sont en nombre important sur un volume d'eau réduit. Pour faire simple, beaucoup de truites entre 50 et 60 cm, depuis plusieurs années, laissent-elles une chance aux plus petites? On entend trop souvent, et trop souvent à tord, qu'elles " bouffent" tout... Pourquoi dans ce cas, certains secteurs en PNK renferment-ils autant de jolis poissons?
La question est ouverte...
Là où les choses sont plus tranchées de mon côté, c'est sur les conditions de pratique du no-kill.
Des études scientifiques ciblant un mécanisme physiologique indiscutable, à savoir la hausse de la lactatémie via l'effort(image ci-dessous), ont montré un processus de mortalité différée chez les poissons ayant subi un combat prolongé.
En effet s'en suit une acidose majeure chez le poisson dans ce cas bien précis, (comme pour l'image, celle d'un coureur de 400 mètres après sa course !!), et une mortalité conséquente après une exposition à l'air, alors que les prises sont relâchées vivantes. ( Expérimentations sur des expositions à l'air de 30 secondes et de 1minute après un combat).
D'autres études que Olivier avaient récupérées sur le sandre cette fois-ci, sur le lac de Bariousses, avaient montré la survie de ces percidés ayant "gonflé" à la remontée même pris à des profondeurs relativement faibles ( 8 mètres), comparées à celles des pêches verticales en hiver. La "solution" avait été de pratiquer le fizzing sur ces sandres et de les équiper de balises pour les géolocaliser. Grâce à ces technologies, on a remarqué que tous étaient encore vivants, des mois après avoir eu pour certains, les yeux exorbités ou la vessie dans la gueule suite à la décompression. Questionnant non? En revanche un article de predators magasine allait assez récemment dans le sens inverse en disant que le fizzing est néfaste pour le poisson car en perçant la vessie, il ne peut plus se tenir en suspension sans nager... Ce qui lui impose une forte dépense énergétique qui perturbe son comportement initial ( pour certaines espèces uniquement). Chacun se fera sa propre opinion sur l'intérêt d'apprendre le fizzing ou de le considérer comme une forme de mutilation supplémentaire.
Ce qui paraît être plus raisonnable, c'est de ne pas relâcher coûte que coûte un poisson dans certaines conditions dont on sait avec un peu de bon sens, qu'elles le vouent à une mort certaine à l'arrivée, avec une lente agonie au fond de l'eau. Comme un brochet qui saignerait abondamment après déchirement ou rupture des lamelles branchiales. Le no-kill oui mais...
Pour ce qui est des truites, le document qui suit nous interroge sur les conditions de pratique de notre no-kill... Grand merci en passant, à David Clavé, de l'association MIGADO, pour la qualité des recherches réalisées.
La conséquence directe est de ne pas s"amuser" à prolonger les combats pour relâcher son poisson derrière. Le no-kill tue aussi! Soyons honnête de le reconnaître.
Essayons d'abréger la durer des combats, de décrocher nos prises dans l'eau si possible, de diminuer au maximum les manipulations inutiles, d'utiliser des épuisettes avec des mailles en caoutchouc pour préserver le mucus des poissons, de les manipuler avec les mains mouillées et d'éviter de les poser sur des surfaces de type "moquette de bateau" sans tapis de réception (préservation du mucus une nouvelle fois) . Il en va de la survie des poissons.
Pour les photos essayons de préparer l'appareil avant que le poisson ne soit sorti de l'eau. On peut le laisser dans l'épuisette ou au vivier et du coup, en se débrouillant bien, ça peut ne durer qu'une dizaine de secondes pour le cliché. Et pas comme on le voit trop souvent, plusieurs minutes!!!
Ce discours n'est en rien moralisateur mais force est de constater que les "leurristes en no-kill" ne sont pas toujours exempts de tous reproches, bien au contraire. C'est tellement réducteur et inexact en définitive de penser qu'un poisson relâché va survivre... A contrario, une lapalissade dirait que ce n'est pas en le gardant, qu'il survivra...
L'ouverture de la truite approchant, il est important de sensibiliser le plus grand nombre au bien-fondé des PNK en 1ère catégorie, et en parallèle des dégâts engendrés par le no-kill sur les poissons, lorsqu'il est pratiqué sans les précautions particulières évoquées en amont.
Tout le monde fait des erreurs, nous les premiers. L'essentiel est d'en prendre conscience et de faire évoluer nos pratiques dites "no-kill".
De simples recommandations peuvent sauver des centaines de poissons, toutes espèces confondues, sur une saison et par pêcheur...
A bientôt sur l'eau.
Arnaud.